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Correspondance avec Pierre Germain, René Guénon, éd. non publié, 1916 |
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26 août 1916 J’ai bien reçu vos deux lettres, mais je n’ai pas eu le temps de vous répondre avant notre départ de Blois. C’est ce qui vous explique cette lettre au crayon, que je vous écris en voyage, ne voulant pas attendre plus longtemps pour vous retourner celle de Maritain que je vous remercie de m’avoir communiquée. Sa réponse à votre question n’est pas en effet très nette ni très satisfaisante. D’après la doctrine scolastique, il est certain que c’est la matière qui est le principe d’individuation, l’individualité de l’âme dérive donc de la matière : son individualité, mais non son être ni son essence, évidemment. Il semble bien qu’il y ait une confusion à cet égard dans le post-scriptum. Quant à l’ange, il est limité ou déterminé par son essence même. Maintenant, pour ce qui est de l’âme séparée du corps, on ne peut pas dire qu’elle soit un homme, car l’homme est précisément défini comme le composé de l’une et de l’autre. On ne peut donc même pas dire que l’âme séparée soit un être complet, et ce n’est là pour elle, en somme, qu’un état transitoire, puisque sa nature est d’être la forme d’un corps (il s’agit toujours, bien entendu, de l’âme individuelle, ce que la doctrine hindoue appelle jivâtmâ ou l’âme vivante). Autre chose : materia signata est la matière informée, laquelle est toujours quantifiée ; c’est donc un pléonasme que de la dire signata quantitate. Enfin, je ne crois pas que St Thomas puisse dire que l’âme humaine a un esse absolutum : cet absolu serait encore trop relatif. Pour la question de l’infini, M. Gombault me disait l’autre jour que ceux qui admettent un infini “secundum quid” comme étant autre chose que l’indéfini ne peuvent pas être considérés comme de vrais scolastiques. Je suis curieux de savoir ce que Maritain répondra à ma lettre. Pour ce qui est de l’indétermination, je lui ai bien précisé que je ne l’entendais pas du tout dans le sens de Spinoza. Pour la “Revue de Philosophie”, le mieux est certainement d’attendre la réponse que vous fera Maritain. En tout cas, merci de votre offre d’écrire au P. Blanche. M. Gombault ne connaissait pas l’existence de cette revue ; savez-vous quel en est l’esprit exactement ? Je n’ai pas encore eu le temps de mettre au point mon travail sur la substance, mais je tâcherai de le faire le plus tôt possible. […] |
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