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Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 1, René Guénon, éd. Éditions Traditionnelles, 1971 |
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aux mêmes critiques que nous avons déjà formulées à propos de ses précédentes études.
Février 1937 – Dans Atlantis (numéro de novembre), M. paul le cour publie un long article intitulé Église, Maçonnerie, Tradition, dont les intentions « conciliatrices » sont apparemment excellentes, mais qui contient bien des confusions et même des erreurs de fait. L’auteur veut retrouver la dualité fantaisiste Aor-Agni dans le symbolisme des deux colonnes, ce qui l’amène à attribuer une de celles-ci à l’Église et l’autre à la Maçonnerie, alors que, en réalité, elles figurent toutes deux dans la Maçonnerie, et qu’on pourrait peut-être retrouver aussi dans l’Église quelque équivalent du symbole complet (certaines figurations de saint Pierre et de saint Paul, notamment, paraissent pouvoir se prêter à une telle interprétation). D’autre part, les rapports de ce que représentent ces deux colonnes ne sont certainement pas ceux de l’exotérisme et de l’ésotérisme ; et ajoutons que, si l’ésotérisme, dans la tradition chrétienne, est souvent rapporté à l’« Église de Saint Jean », l’exotérisme ne l’est jamais à l’« Église de Jésus » (?), mais bien à l’« Église de saint Pierre ». Passons sur une curieuse sortie contre saint Thomas d’Aquin, en qui M. paul le cour veut, bien à tort, voir un « rationaliste », et qu’il rend responsable de « la conception de la nécessité de la force pour appuyer le droit », dont « nous voyons aujourd’hui des applications redoutables »… Les considérations sur l’origine de la Maçonnerie sont bien vagues, et pour cause, et ses relations avec l’Académie platonicienne de Florence sont fort loin d’apparaître clairement ; mais que dire d’une confusion comme celle de l’Écossisme avec la Maçonnerie anglo-saxonne, alors que la première raison d’être de l’Écossisme fut précisément de s’opposer aux tendances protestantes et « orangistes » représentées par cette dernière depuis la fondation de la Grande Loge d’Angleterre ? – Dans le Symbolisme (numéro de novembre), Oswald Wirth intitule Spéculatif et opératif ce qui veut être une sorte de réponse à notre article Opératif et spéculatif ; le renversement des termes est sans doute voulu, mais, en dépit de quelques paroles assez aigres à notre adresse, nous n’avons pu arriver à distinguer ce qu’il nous reproche au juste, puisqu’il finit par déclarer qu’« il suffit de s’entendre avec nous sur la portée des termes dont nous usons » ; encore faudrait-il ne pas la rabaisser ou la restreindre d’une façon inacceptable… Quand nous disons que l’initiation comporte essentiellement un élément « surhumain », ou encore qu’il ne peut y avoir aucune initiation sans rites, cela ne saurait laisser place à la moindre équivoque ; il s’agit là de questions « techniques » précises, et non point de vagues considérations plus ou moins « métaphoriques » ou imaginatives. D’autre part, nous n’avons jamais dit que « la Maçonnerie doit redevenir opérative, après s’être intitulée spéculative à titre transitoire » ; nous avons dit, ce qui est bien différent, que la Maçonnerie Spéculative représente un amoindrissement et même une dégénérescence par rapport à la Maçonnerie opérative ; nous souhaitons assurément que cette dégénérescence puisse n’être que transitoire, mais, malheureusement, nous ne voyons actuellement rien qui indique qu’elle doive l’être effectivement. – G. Persigout étudie le Cadre initiatique du Cabinet de réflexion ; il parle à ce propos de la catharsis, dont le processus a en effet un rapport évident avec la « descente aux Enfers », et aussi du symbolisme de la « pétrification », dont la connexion avec le sujet apparaît beaucoup moins nettement, malgré la caverne où réside Méduse… – Dans le numéro de décembre, Oswald Wirth veut marquer une distinction entre La Théosophie et l’Art royal ; mais il a vraiment bien tort de sembler admettre que le théosophisme peut malgré tout représenter quelque chose de réel au point de vue initiatique ! – Albert Lantoine montre que Le Péché originel de la Maçonnerie française a consisté à accepter la démocratie dans sa propre Constitution ; il remarque fort justement que « la démocratie a le souci d’écarter l’élite », et que « la démocratisation ne peut être qu’un facteur dissolvant pour un groupement sélectionné » ; nous ajouterions seulement qu’elle est même en contradiction directe avec le principe de la sélection et avec toute organisation constituée hiérarchiquement. – Un court article sur l’Initiation et l’Évangile, signé « Bardamu », nous paraît impliquer une certaine confusion entre le point de vue initiatique et le point de vue religieux : celui-ci ne peut pas remplacer celui-là ou lui être équivalent, car ni le domaine ni le but ne sont les mêmes ; la « Délivrance » est tout à fait autre chose que le « salut », et ce n’est certainement pas l’obtention de ce dernier qui, dans l’antiquité, était mis en rapport avec la connaissance initiatique. Avril 1937 – Nous avons récemment fait allusion au sceau des États-Unis, relevant à la fois l’étrangeté de son symbolisme et le parti que veulent en tirer certaines organisations ; ce que nous disions alors se trouve encore confirmé, bien involontairement sans doute, sous ce double rapport, par un article sur ce sujet publié dans le Rosicrucian Magazine (numéro de février) ; laissant de côté certains calculs plus ou moins fantaisistes, nous noterons seulement à ce propos, en ce qui concerne le sceau lui-même, que, outre les treize assises de la pyramide tronquée dont nous avons parlé, le nombre 13 y reparaît dans une multitude d’autres détails avec une insistance véritablement extraordinaire… – Dans le Speculative Mason (numéro de janvier), un article est consacré à la signification de la fonction du 2e Surveillant, mais s’en tient malheureusement à des considérations surtout esthétiques et morales, d’un caractère assez superficiel. – Dans un autre article, nous trouvons un bon exemple de la confusion que nous signalions dernièrement entre les rites et les cérémonies ; l’intention de l’auteur est d’ailleurs nettement favorable aux rites, contrairement à ce qui arrive le plus souvent en pareil cas ; mais les cérémonies, y compris celles qui sont le plus purement profanes, bénéficient bien injustement de la confusion ! – Dans le Symbolisme (numéro de février), Oswald Wirth parle de la Loi de Création de Wronski, à propos du volume dont nous avons rendu compte il y a quelque temps ; mais, ne lui en déplaise, les « concepts » des anciens constructeurs, qui d’ailleurs n’« imaginèrent » rien, étaient réellement beaucoup plus « transcendants » que toutes les « abstractions » des philosophes, qui ne sont que spéculations dans le vide, et qui nous paraissent peut-être encore plus rebutantes qu’à lui. – Albert Lantoine signale très justement les inconvénients de l’organisation d’une Justice Maçonnique calquée sur le modèle des codes profanes ; seulement, pourquoi dire à ce propos que « les petites institutions tendent à imiter la grande institution », alors que c’est au contraire l’organisation de la société profane qui devrait normalement apparaître comme une bien petite chose vis-à-vis de ce qui appartient à l’ordre initiatique ? – G. Persigout étudie Le Problème alchimique de la Transmutation morale ; il y a là une équivoque, car, comme nous l’avons dit souvent, si vraiment il ne s’agissait que de « morale », il serait bien inutile de recourir à un symbolisme quelconque, alchimique ou autre ; d’autre part, en acceptant les vues des historiens profanes, on est parfois entraîné, ne serait-ce que sur le sens d’expressions comme celle d’« art sacerdotal » par exemple, à de bien curieuses méprises… Mai 1937 – Dans Atlantis (numéro de mars), M. paul le cour consacre une longue étude à Claude de Saint-Martin ; l’idée de se placer en quelque sorte sous le patronage de celui-ci est, comme il le reconnaît lui-même, assez inattendu ; il en explique l’origine par le récit d’anciennes expériences spirites, qu’il décore d’ailleurs du nom plus respectable de « recherches métapsychiques » ; et nous devons constater qu’il lui est bien resté quelque chose de ses idées d’alors, puisque, tout en déclarant ces choses « décevantes, sinon dangereuses », il croit pourtant encore qu’il est possible que les morts se manifestent réellement et personnellement par de pareils moyens… Il se fait, d’autre part, quelques illusions sur la valeur même de Saint-Martin, qui, en fait, ne comprit jamais grand-chose à l’initiation, comme il ne le montra que trop clairement en se tournant vers le mysticisme. L’histoire de ses rapports avec Martines de Pasqually (déclaré « juif portugais » sans l’ombre d’une hésitation) est étonnamment simplifiée ; mais ceci n’est rien à côté de l’affirmation qu’il abandonna la Maçonnerie « quand elle devint athée et matérialiste » : il faut croire qu’il fut, parmi tous les Maçons de son temps, le seul à s’apercevoir d’un pareil changement ! Ce qui, par contre, est tout à fait conforme à la vérité, c’est qu’il ne fonda jamais aucune organisation, d’où cette conséquence qu’« on peut se dire martiniste, mais seulement à titre individuel » ; évidemment, il est toujours permis d’adopter les idées que quelqu’un a exposées, si on les trouve à sa convenance, et il n’y a même pas besoin pour cela d’être « favorisé par ses manifestations post-mortem »… – Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (numéro de février), étude sur la signification du mot cowan, terme d’origine apparemment écossaise, mais de dérivation incertaine, venu de la Maçonnerie opérative, où il désignait celui qui construit des murs en pierre sèche, c’est-à-dire sans mortier ; ce n’était donc pas un profane cherchant à s’emparer indûment des secrets de la Maçonnerie, comme on le pense d’ordinaire, mais seulement un ouvrier qui n’était pas qualifié pour participer au travail des Maçons réguliers, et qui avait au point de vue corporatif un rang inférieur, mais néanmoins reconnu et bien défini. – Dans le Symbolisme (numéro de mars), Oswald Wirth parle de La Mission éducative de la Franc-Maçonnerie, ce qui ne va pas bien loin, car « éducation » n’est certes pas « initiation » et dire que « le pouvoir spirituel effectif appartient à qui s’applique à penser juste et à vouloir le bien avec abnégation », c’est tout simplement s’imaginer que de bonnes intentions peuvent suffire à tenir lieu de toute connaissance et de toute « réalisation » d’ordre supérieur. – G. Persigout étudie Les Rites agraires et les abords de l’Antre ; la plus large part y est faite aux interprétations « naturalistes » des modernes, avec leurs « fêtes saisonnières » leurs « coutumes populaires », et autres choses qui n’ont assurément aucun rapport avec les données traditionnelles sur le véritable sens des rites et des symboles. – Nous avons reçu les premiers numéros d’une nouvelle revue intitulée La Juste Parole, qui présente ce caractère quelque peu exceptionnel d’être à la fois « philosémite » et antimaçonnique. Nous y trouvons, entre autres choses, une mise au point concernant l’Ordre juif B’nai B’rith (Fils de l’Alliance), qui n’a rien de maçonnique, contrairement à l’opinion répandue dans certains milieux ; peut-être faudrait-il seulement ajouter qu’il vise quelque peu à imiter la Maçonnerie (l’emploi du mot « Loges », notamment, en est un indice), comme toutes les organisations « fraternelles » d’origine américaine. Un autre article est consacré à montrer qu’il n’y a pas de « Judéo-Maçonnerie » ; cela est parfaitement exact, mais pourquoi retrouvons-nous là, à l’égard de la Maçonnerie, tous les lieux communs de ceux qui soutiennent la thèse contraire ? – Signalons encore un article sur l’« abattage rituel », qui donne lieu à une remarque curieuse : dans toutes les discussions à ce sujet, partisans et adversaires n’invoquent que des arguments « hygiénistes » et « humanitaires », qui n’ont rien à voir avec la question ; on rappelle pourtant le texte biblique qui affirme la connexion du sang avec l’âme (au sens strict de principe vital), mais on ne paraît pas se douter que c’est là le seul point qui importe réellement ; la mentalité moderne est décidément quelque chose de bien étrange ! Juin 1937 – Dans la Vita Italiana (numéro d’avril), M. J. Evola publie un article intitulé Dall « esoterismo » al sovversivismo massonico, dans lequel il critique sur certains points l’attitude de l’antimaçonnisme vulgaire : il reconnaît en effet l’existence dans la Maçonnerie d’une tradition symbolique et rituelle en rapport avec « des doctrines ou des courants préexistants à sa forme actuelle et d’un caractère spirituel incontestable » ; il proteste en outre contre l’interprétation qui voudrait voir là une sorte de tradition « antichrétienne », ce qui a d’autant moins de sens que, si l’on examine ces antécédents de la Maçonnerie, « on se trouve conduit à des traditions effectivement antérieures au Christianisme », et il signale aussi le caractère hiérarchique et aristocratique que ces traditions eurent toujours à leurs origines. Seulement, comme il y a là quelque chose qui semble inconciliable avec les tendances que l’on constate dans la Maçonnerie actuelle, il se demande s’il y a bien eu une filiation continue, ou s’il n’y a pas eu plutôt une sorte de « subversion » ; il inclinerait même à penser que les éléments traditionnels ont pu être simplement « empruntés » à des sources diverses, sans qu’il y ait eu transmission régulière, ce qui expliquerait, suivant lui, une déviation qui aurait été impossible « si l’organisation maçonnique avait été conduite par des chefs qualifiés ». Nous ne pouvons le suivre sur ce point, et nous regrettons qu’il se soit abstenu d’étudier de plus près la question des origines, car il aurait pu se rendre compte qu’il s’agit bien d’une organisation initiatique authentique, qui a seulement subi une dégénérescence ; le début de cette dégénérescence, c’est, comme nous l’avons dit souvent, la transformation de la Maçonnerie opérative en Maçonnerie spéculative, mais on ne peut parler ici de discontinuité : même s’il y eut « schisme », la filiation n’est pas interrompue pour cela et demeure légitime malgré tout ; la Maçonnerie n’est pas une organisation fondée au début du XVIIIe siècle, et, au surplus, l’incompréhension de ses adhérents et même de ses dirigeants n’altère en rien la valeur propre des rites et des symboles dont elle demeure la dépositaire. – Dans les Archives de Trans (numéro de mars), M. J. Barles aborde la question des rapports de la Maçonnerie avec les Rose-Croix, mais malheureusement avec des informations bien insuffisantes et même de qualité douteuse ; il se réfère en effet à l’Histoire des Rose-Croix théosophiste de F. Wittemans, et il fait même état d’une assertion fantaisiste de l’Imperator de l’A.M.O.R.C. Il ne faut d’ailleurs pas confondre Rose-Croix et Rosicruciens, et, parmi ces derniers, il y aurait encore bien des distinctions à faire ; mais ce qui est certain en tout cas, c’est que, s’il y eut dans la Maçonnerie anglaise des Rosicruciens authentiques et non dégénérés, ce n’est pas du côté « spéculatif » qu’ils purent se trouver. Signalons aussi qu’il convient de se méfier de la légende, qu’on cherche à accréditer actuellement pour des raisons peu claires, d’après laquelle Newton aurait joué un rôle dans la Maçonnerie, uniquement sous prétexte qu’il fut en relations personnelles avec Desaguliers ; c’est là une supposition toute gratuite, et d’ailleurs nous ne voyons vraiment pas en quoi un « grand homme » au point de vue profane devrait forcément avoir une importance quelconque dans l’ordre initiatique. – Le Speculative Mason (numéro d’avril) donne une description détaillée des rites du couronnement des rois d’Angleterre et des objets qui y sont employés. – Un article consacré aux « trois colonnes », en rapport avec les trois ordres d’architecture, contient des rapprochements intéressants avec l’« arbre séphirothique » et avec certaines données qui se rencontrent dans diverses autres traditions. – Une étude sur le symbolisme des mains et des « signes manuels », considérés comme des restes d’un véritable langage (ce sont en somme les mudrâs de la tradition hindoue), ne nous paraît pas aller tout à fait assez au fond des choses, bien que remontant jusqu’à la préhistoire ; la question de la variation des rapports de la droite et de la gauche, en particulier, demanderait à être examinée de très près. Notons aussi, à propos d’une allusion à certaines pratiques de « magie noire » qu’il y a là tout un côté réellement « sinistre » auquel il y aurait probablement lieu de rattacher le rôle important joué par les apparitions des mains dans les phénomènes de hantise et les manifestations spirites ; nous ne pensons pas que cette remarque ait jamais été faite, et pourtant elle est loin d’être sans intérêt. – Signalons enfin un article sur la signification de la Mark Masonry et les caractères qui la distinguent de la Craft Masonry. Juillet 1937 – Dans le Symbolisme (numéro de mai), Oswald Wirth parle du rituel du couronnement des rois d’Angleterre, d’après l’article du Speculative Mason que nous avons signalé précédemment ; mais le titre qu’il a choisi, l’Initiation royale, est tout à fait inexact, car, en réalité, il n’y a là rien d’initiatique ; que le sacre des rois ait été originairement la phase finale de leur initiation propre, c’est là une autre question, mais, présentement et sans doute depuis bien longtemps déjà, il se réduit à un rite purement exotérique, qui n’a pas plus de rapport avec l’initiation royale que l’actuelle ordination des prêtres n’en a avec l’initiation sacerdotale. – Sous le titre Le Secret mal gardé, Albert Lantoine fait ressortir les inconvénients de l’étrange « modernisation », par laquelle, dans la Maçonnerie française, les moyens de reconnaissance traditionnels ont été peu à peu remplacés presque entièrement par des « preuves d’identité » semblables à celles qui sont en usage dans des associations profanes quelconques. – François Ménard, dans une note assez brève, parle Du Geste au point de vue rituel ; il s’agit ici surtout de la correspondance des signes initiatiques avec les centres subtils de l’être humain, sujet auquel il nous est arrivé de faire incidemment quelques allusions, et qui mériterait certainement une étude plus approfondie. Septembre 1937 – Dans la Vita Italiana (numéro de juin), un article de M. Gherardo Maffei, sur les rapports du Judaïsme et de la Maçonnerie, témoigne d’une attitude comparable à celle qui s’affirmait déjà dans l’article de M. J. Evola dont nous avons parlé précédemment. L’auteur fait remarquer très justement que, en ce qui concerne l’origine de la Maçonnerie, la présence de nombreux éléments hébraïques dans son symbolisme ne prouve rien, d’autant plus que, à côté de ceux-là, il s’en trouve aussi beaucoup d’autres qui se rattachent à des traditions toutes différentes ; en outre, ces éléments hébraïques se rapportent à un côté ésotérique qui n’a assurément rien à voir avec les aspects politiques ou autres que visent ceux qui combattent le Judaïsme actuel, et dont beaucoup prétendent lui associer étroitement la Maçonnerie. Naturellement, tout cela est sans rapport avec la question des influences qui, en fait, peuvent s’exercer à notre époque dans la Maçonnerie aussi bien qu’ailleurs, mais c’est précisément cette distinction que, par ignorance ou par parti pris, on oublie trop souvent ; et nous ajouterons plus nettement encore, quant à nous, que l’action des Maçons et même des organisations maçonniques, dans toute la mesure où elle est en désaccord avec les principes initiatiques, ne saurait en aucune façon être attribuée à la Maçonnerie comme telle. – Dans la même revue (n° de juillet), M. Massimo Scaligero étudie la signification de l’attitude « antimoderne », à propos des ouvrages de M. J. Evola, et plus spécialement du Mistero del Graal dont nous avons rendu compte récemment. – Dans le Mercure de France (numéro du 1er juin), M. Gabriel Louis-Laray examine, d’après quelques ouvrages récents sur la Maçonnerie française au XVIIIe siècle, le rôle que celle-ci a pu jouer dans les rapports de la France avec l’Angleterre et les États-Unis. Tout cela se limite à un point de vue beaucoup trop exclusivement politique pour aller jusqu’au fond des choses, et n’est d’ailleurs pas exempt de certaines erreurs, parmi lesquelles il en est une que nous avons déjà rencontré ailleurs, mais qui n’en est pas moins véritablement étonnante : c’est la confusion de la Maçonnerie exclusivement « symbolique » issue de la Grande Loge d’Angleterre avec la Maçonnerie « écossaise », c’est-à-dire des hauts grades, laquelle, par surcroît, était alors résolument opposée aux tendances « orangistes » dont la première était pénétrée. Malgré cela, il y a un point qui nous paraît présenter un certain intérêt : c’est ce qui concerne le rôle étrange de Franklin, qui, tout en étant Maçon (quoique la qualification de « grand patriarche », qui lui est ici attribuée ne réponde d’ailleurs à rien de réel), était fort probablement aussi tout autre chose, et qui semble bien avoir été surtout, dans la Maçonnerie et en dehors d’elle, l’agent de certaines influences extrêmement suspectes. La Loge Les Neuf Sœurs, dont il fut membre et même Vénérable, constitue, par la mentalité spéciale qui y régnait, un cas tout à fait exceptionnel dans la Maçonnerie de cette époque ; elle y fut sans doute l’unique centre où les influences dont il s’agit trouvèrent alors la possibilité d’exercer effectivement leur action destructrice et antitraditionnelle, et, suivant ce que nous disions plus haut, ce n’est certes pas à la Maçonnerie elle-même qu’on doit imputer l’initiative et la responsabilité d’une telle action. – Dans les Archives de Trans (numéros de mai, juin et juillet), M. J. Barles, poursuivant ses recherches sur les origines de la Grande Loge d’Angleterre, examine plus particulièrement certains détails de la biographie de Desaguliers : ses ouvrages scientifiques et autres aspects de son activité profane, la réception qui lui fut faite à la Loge d’Édimbourg en 1721 (signalons en passant que deacon est « diacre », et non pas « doyen » qui se dit en anglais dean), et sa visite à la Loge de Bussy, à Paris, en 1735. Peut-être ne faut-il pas chercher à tirer de tout cela des conséquences excessives ; surtout, le savoir profane et les associations destinées à le développer ou à le répandre relèvent d’un domaine entièrement différent de celui où se situent les questions d’ordre proprement maçonnique, et, à part le fait que les mêmes individualités peuvent parfois se retrouver de part et d’autre, ce qui n’engage évidemment qu’elles, nous ne voyons pas bien quel rapport plus ou moins direct il peut y avoir entre ces deux choses. Quant au sens réel des termes « opératif » et « spéculatif », sur lequel M. Barles semble encore perplexe, nous ne pouvons mieux faire, pour l’aider à élucider cette importante question, que de le prier de vouloir bien se reporter aux explications précises que nous avons données ici sur ce sujet, auquel nous avons même consacré un article spécial. – Dans le Speculative Mason (numéro de juillet), un article est consacré au symbolisme du rituel de Royal Arch ; un autre apporte, sur les origines antiques des outils employés par les constructeurs, des renseignements intéressants au point de vue documentaire, mais est malheureusement quelque peu affecté du préjugé « progressiste » habituel à nos contemporains. – Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (numéro de mai), signalons une brève étude sur les « chiffres » ou alphabets cryptographiques qui furent en usage dans la Maçonnerie, et qui présentent une ressemblance frappante avec certains alphabets kabbalistiques ; il en existe plusieurs variantes, mais la « clef » en est toujours la même, et il y aurait sans doute bien davantage à dire sur celle-ci et sur les rapprochements auxquels elle peut donner lieu. – Dans le Symbolisme (numéro de juin), Oswald Wirth, tout en affirmant l’unité de La Tradition des Sages sous ses diverses expressions symboliques, s’efforce une fois de plus d’en restreindre la portée, de la façon que nous ne connaissons déjà que trop bien ; ajoutons seulement que, contrairement à sa tentative d’interprétation « évolutionniste », l’« état d’innocence édénal » n’a certes rien à voir avec l’instinct ni avec l’animalité ! – Dans le numéro de juillet, au sujet de la question du Rituel féminin, tout en déclarant que le symbolisme des Loges d’Adoption « n’est pas précisément d’une très haute valeur initiatique », il estime qu’il peut cependant servir tout au moins de préparation et de point de départ ; mais la véritable question n’est pas là : ce rituel ayant été inventé artificiellement de toutes pièces et ne contenant pas trace d’une « transmission » authentique, il ne pourra jamais, en réalité, représenter rien de plus qu’un simple simulacre d’initiation. – Albert Lantoine intitule Paroles pour les Égarés un rappel à la règle suivant laquelle « la Maçonnerie doit écarter de ses travaux toute discussion politique ou religieuse », qui en effet ne peut s’y introduire que par une déplorable confusion des domaines les plus différents. – Dans les deux numéros, suite des études de G. Persigout, cette fois sur La « Pierre brute » et la « Pierre cachée des Sages » ; l’auteur continue à faire preuve d’un « éclectisme » vraiment excessif, et les rêveries de feu Leadbeater voisinent ici avec les théories « officielles » sur les époques de la préhistoire ; ne vaudrait-il pas beaucoup mieux s’en tenir uniquement à des « sources » plus autorisées au point de vue traditionnel et initiatique ? Décembre 1937 – Dans le Symbolisme (numéro d’août-septembre), sous le titre De l’Équerre au Compas, qui serait d’ailleurs susceptible d’un bien autre sens symbolique que celui qu’il lui donne (qu’on se rappelle ici notamment la signification du carré et du cercle dans la tradition extrême-orientale), Oswald Wirth dénonce justement, une fois de plus, l’erreur consistant à introduire dans une organisation initiatique des institutions administratives calquées sur le modèle profane ; mais, en même temps, il réédite encore la méprise courante sur le vrai sens des mots « opératif » et « spéculatif », qui pour lui ne sont guère que les synonymes respectifs d’« ouvrier » et de « bourgeois » ! Contrairement à ce qu’il semble croire, d’ailleurs, c’est déjà beaucoup que de conserver scrupuleusement et intégralement le rituel, même sans le comprendre, et cela n’a certes rien d’un « jeu », car il ne s’agit point en ce cas d’une parodie ; mais, si l’initiation, dans ces conditions, demeure simplement virtuelle au lieu d’être effective, c’est précisément en cela que la Maçonnerie moderne n’est plus que « spéculative », c’est-à-dire privée des « réalisations » que permettait l’ancienne Maçonnerie « opérative », en partie sans doute parce que celle-ci avait pour base la pratique réelle du métier de constructeur, ce qui va bien plus loin qu’on ne le pense, mais en partie aussi pour d’autres raisons relevant de la « technique » initiatique en général, et évidemment tout à fait inaccessibles aux « esprits distingués » qui organisèrent la Grande Loge d’Angleterre ; encore est-il fort heureux pour celle-ci qu’il se soit trouvé des Maçons « opératifs » qui voulurent bien, un peu plus tard, corriger, au point de vue rituélique tout au moins, les fâcheux effets de l’ignorance de ses fondateurs… – Dans un article intitulé Les Dieux reviennent, Albert Lantoine proteste contre l’influence de l’esprit « démagogique » de l’époque actuelle, qui se traduit en particulier, quant au recrutement maçonnique, par l’importance attribuée à la quantité au détriment de la qualité ; il croit d’ailleurs apercevoir quelques indices d’un commencement de réaction contre cette tendance, et nous souhaitons qu’en cela il ne se trompe pas… – G. Persigout étudie cette fois la devise hermétique Visita Interiora Terrae… (il oublie de signaler la variante Inferiora, qui pourtant offre peut-être une signification encore plus complète), le rapport des « rectifications » alchimiques et des « purifications » initiatiques, et la correspondance des uns et des autres avec les éléments. – Dans les Archives de Trans (numéro d’août-septembre), M. J. Barles étudie la préparation du Livre des Constitutions de la Grande Loge d’Angleterre ; il y aurait beaucoup à dire sur la façon spéciale dont les Old Charges y furent utilisées… et déformées tendancieusement. Nous nous bornerons à faire remarquer que, au point de vue initiatique, les novateurs étaient fort loin de constituer une « élite », quelle que fut leur « culture » profane, et que, au lieu d’« élever le niveau intellectuel de l’ancienne Maçonnerie », ils firent surtout preuve d’ignorance et d’incompréhension à l’égard de sa tradition ; ils n’en connaissaient d’ailleurs pas tous les grades, ce qui explique aussi bien des choses ; et ils ne pouvaient certes pas « appartenir à l’Ordre des Rose-Croix », d’autant plus qu’un tel nom n’a jamais été porté authentiquement par aucune organisation. – Le Speculative Mason (numéro d’octobre) contient une étude de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », qui, loin d’être réellement d’origine maçonnique comme on le croit d’ordinaire, apparaît au contraire pour la première fois dans un écrit anti-maçonnique, Les Francs-Maçons écrasés, publié en 1747 ; elle n’en fut pas moins adoptée assez tôt par la Maçonnerie française, mais y fut prise d’abord en un sens purement spirituel, d’ailleurs conforme aux enseignements du rituel, et n’ayant rien de commun avec l’interprétation profane qui prévalut malheureusement par la suite. – Un article intitulé Building in Harmony donne une curieuse description de la construction d’un violon. – Dans le Symbolisme (numéro d’octobre), Albert Lantoine consacre un long article à la question du Grand Architecte de l’Univers et aux controverses auxquelles elle a donné et donne encore lieu ; certaines interprétations modernes sont assurément bien détournées et fantaisistes, comme il le dit, mais, d’un autre côté, peut-on se contenter de déclarer, sans plus de précision, que « le Grand Architecte est le terme maçonnique de Dieu » ? Il y a lieu de distinguer entre les aspects divins, et traditionnellement on l’a toujours fait : tout nom spécial doit ici correspondre à une fonction ou à un attribut déterminé ; et, si un exotérisme simpliste peut à la rigueur se passer de ces distinctions, il ne saurait en être de même au point de vue initiatique ; seulement, pour comprendre vraiment les choses de cet ordre, il faut remonter à de lointaines origines et ne pas faire commencer le Maçonnerie au XVIIIe siècle… |
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